Le patron refuse la conciliation, les licenciées répondent par l'occupation

Publié le par Section syndicale people and Baby

CS-351-BD-1.jpgArticle paru dans le Combat syndicaliste n°351, juin 2010

 

Jeudi 27 mai devait avoir lieu la conciliation entre Durieux et les salariées licenciées. Comme prévu, le tôlier n’est pas venu… De notre côté, le rendez-vous était déjà pris aux Vignoles à 11 heures. Une quarantaine de personnes se sont retrouvées aux Vignoles équipés de sac de couchage, de cartons de nourriture, d’eau, etc. Bref, nous sommes prêts à lancer l’occupation, si nous arrivons à entrer dans les locaux du siège social, 16 avenue Hoche dans le très huppé 8e arrondissement, à deux pas de l’Arc de Triomphe…
À 13h30, deux camarades habillés « classe » se font passer pour les représentants d’une société d’expertise. Bingo ! La porte s’ouvre, alors que Durieux a mis un visiophone afin de contrôler les entrées, à la suite de notre première occupation d’une journée. L’expertise sociale peut commencer : les bureaux sont investis, dont le plus spacieux, celui du patron.  Durieux nous demande de sortir, mais quelques minutes après, c’est à lui de ranger ses affaires et il quitte son siège social la tête basse, en abandonnant sa femme Odile et les autres cadres.

 

Nous pouvons commencer à nous installer et nous prions les salariés de prendre leur journée, grâcieusement offerte par la CNT. Quelques récalcitrants à la conscience professionnelle aiguisée attendent le feu vert d’Odile, qui craque sous la pression d’un camarade armé du mégaphone. Nous sommes enfin chez nous. Les flics passent constater l’occupation, puis ce sera au tour de l’huissier, qui trouvera porte close. Aux alentours de 16 heures, des vigiles arrivent pour bloquer les entrées et empêcher des camarades de rejoindre l’occupation. À l’intérieur, la vie s’organise : AG régulières pour faire le point sur la situation, sur l’autogestion des lieux et les locaux sont décorés de drapeaux et d’affiches. Notre présence est alors nettement visibles depuis la rue. Barcelone 36 est dans l’esprit de nombreux camarades !

 

Nous sommes en contact permanent avec notre avocat pour l’informer de nos actions et afin de peaufiner notre stratégie face à un Durieux toujours autiste mais bien dégoûté de notre présence. Le soir même, un premier contact téléphonique est pris avec lui, la représentante de la section ne lâche rien et un rendez-vous est proposé pour le lendemain. Comme tout oppresseur, Durieux exige la levée de l’occupation avant de nous rencontrer. Hors de question d’abandonner notre meilleure arme, ce sera niet ! La journée du vendredi est rythmée par le ping-pong entre nos avocats au sujet d’un rendez-
vous concernant les modalités de réintégration. Durieux fait du chantage en voulant troquer un rendez-vous contre la restitution de visas et de jouets qui sont dans les locaux. Effectivement, People and Baby se lance dans l’humanitaire ! Il envoie les jouets cassés de ses crèches en Côte-d’Ivoire. Ça c’est un vrai patron de gauche ! Il veut absolument récupérer
les visas car des salariés doivent partir dans le prochains jours. Nous ne cédons pas, mais un rendez-vous finit par se décider pour samedi à 12h30 au bureau de l’avocate de Durieux, car celui-ci a peur d’être séquestré dans le bureau de notre avocat, trop près à son goût des Vignoles ! Grands princes, nous leur laissons récupérer leurs cartons...

 

En parallèle, nous cherchons tous les moyens de renforcer l’occupation et donc de relayer les camarades qui sont enfermés à l’intérieur. Certains doivent partir et nous ne voulons pas être moins d’une quinzaine. Les vigiles barrant les entrées 24h sur 24, nous décidons d’acheter une échelle de corde métallique et d’escalder la façade jusqu’aux fenêtres du
deuxième étage, à environ 10 mètres du sol. Les premières entrées se font de nuit : neuf camarades rejoignent les forces en présence. Lucha y fiesta régnent au siège social… Samedi midi, Sophie sort du siège pour se rendre au rendez-vous
convenu la veille. Durieux, qui s’était engagé à discuter des réintégrations, ne respecte pas, une fois de plus, sa parole. la seule chose qu’il propose c’est une indemnité financière et une formation à la clé. Super ! Les deux heures de négociation ne lui font pas entendre raison. Sophie lui indique donc que nous ne bougerons pas. Ce jour-là, la manifestation à l’appel du collectif Pas de bébés à la consigne réunit environ 2 000 personnes. La CNT assure un cortège, visible et dynamique, qui met l’ambiance et relaie l’information : un camarade prend la parole, explique les dangers d’une vision comptable de la petite enfance, en faisant le lien avec People and Baby. L’information relative à l’occupation circule aussi. À l’issue de la
manif, d’autres camarades s’essaient, avec brio, à l’escalade dans le 8e arrondissement. Nous tournons en ridicule la présence des vigiles qui ne peuvent rien faire et surtout, qui ne servent à rien. Malgré les efforts de Durieux, l’occupation
tient bon. Le ravitaillement est assuré par un sac accroché à une corde.

 

Tous les jours, des camarades se rassemblent au pied de l’immeuble et marquent leur soutien en distribuant des tracts, en informant les passants et en scandant des slogans : People and Baby exploite et licencie, ça suffit !; Réintégration des salariées licenciées ; De Bastia à Paris, People and Baby, c’est fini ! Aujourd’hui, dimanche 30 mai, l’occupation se poursuit malgré une tentative d’intimidation de la police. Ils ont arrêtés cinq camarades qui s’apprêtaient à rejoindre le deuxième
étage, pour finalement les relâcher une heure plus tard. Nous tiendrons le plus longtemps possible !

 

Charlotte SIPM et Erwan éduc 93

 

CS-351-BD-2.jpgLa CNT se mobilise...

... à Lyon

Un samedi matin ensoleillé, un des premiers de l’année. Place des Terreaux, environ 300 personnes et plusieurs
dizaines de poussettes tiennent le pavé. Rythmée par une batucada et les slogans de l’intersyndicale, la manifestation
démarre vers 10 h 30. Le ton bon enfant contraste avec ce que nous sommes venus défendre. Un accueil de la petite enfance qui soit à la hauteur de l’enjeu : permettre à tout minot de pouvoir s’épanouir dans un cadre collectif. Et par là permettre à tout parent de « poser » son enfant de manière sereine et confiante avant d’aller gagner sa croûte ou de vaquer à ses occupations. Or, la logique proposée par le gouvernement est tout autre puisque s’appuyant sur un nombre d’enfant par professionnel plus élevé. Deuxième logique, celle de la rentabilisation rampante du secteur de la petite enfance. Faire du blé sur l’accueil des plus petits, il fallait y penser ! A l’appel de fédération santé-social et de celle de l’éducation, les cénétistes lyonnais ont répondu présent en tant que professionnels de la petite enfance, mais aussi
comme parents et, enfin, pour soutenir nos camarades licenciées par l’entreprise People and Baby, grand privatiseur
de crèches qui se gave de l’argent public et fait du profit sur le dos des salariées en rognant sur les conditions de
travail.
Le cortège s’arrête un instant pendant que nous passons devant une crèche People and Baby. Petit rappel des faits
au micro par un camarade, sous les huées des manifestants indignés par la politique managériale des dirigeants
de cette entreprise. Ça fait chaud au coeur. Au total 100 euros de récoltés pour nos camarades syndiquées. Quelques combats syndicalistes vendus et des tracts distribués à la pelle Un petit geste de solidarité qui ne mange pas de pain : seulement des petits pots !
UD 69

 

... à Montpellier

L’Union départementale CNT 34 a organisé mercredi 19 mai à Montagnac une action en soutien aux salariées de la crèche Giono de Paris, licenciées pour leur appartenance à la toute nouvelle section CNT. Nous avons tout d’abord rencontré le maire de Montagnac, Roger Fagès, qui a confié à People & Baby la gestion de la crèche municipale, ouverte fin 2009. Ce
dernier n’avait pas daigné répondre à notre demande d’audience, mais avait tout de même prévu notre venue et utilisé la classique langue de bois dans le hall de la mairie. S’il a choisi People and Baby, c’est pour le bien de sa commune, c’était moins cher, etc. Il a tout de même fait le choix d’appeler la directrice de la crèche pour l’informer de notre visite et lui  donner la consigne de ne pas nous laisser entrer. Il a ensuite prévenu sa police municipale et la gendarmerie, laquelle est venue nous rendre visite lors de notre action devant la crèche. Nous avons distribué le tract de la fédération Santé-
Social & CT aux parents venu-es chercher leur enfant et leur avons expliqué les modalités de délégation de service public, les conditions de travail des employées qui rejaillissent forcément sur leurs enfants, la gestion managériale de P&B, etc. La directrice a tenté de faire bonne figure en nous montrant qu’elle connaissait le conflit actuel à la halte-garderie Giono puis a pris en photo les autocollants apposés devant la « crèche Bio » (!). Assurément, la direction sera au mise au jus, parfait, c’était l’objectif. Aucune des deux autres salariées n’a pris le tract tendu car « ça ne les intéressait pas ». Étrange…
UD 34CS-351-BD-3.jpg

 

La conciliation

Bataille juridique, quelques explications... au lendemain de la notification des mises à pied des camarades de la section syndicale People and Baby et avant même la notification des licenciements, le syndicat, avec son avocat, a engagé une procédure prud’homale, en référé, pour solliciter la suspension de ces procédures disciplinaires. Cette procédure n’a pas abouti, à défaut d’accord entre les deux conseillers qui siégeaient en référé (formation paritaire : un conseiller patron, un conseiller salarié). L’affaire a été donc renvoyée en départage le 29 juin prochain : à cette occasion, un magistrat professionnel (le juge départiteur), qui complètera la formation des référés avec une voix prépondérante, pourra se prononcer. La formation de référé ne peut prendre que deux décisions : soit ordonner à titre provisionnel la réintégration, soit juger qu’il n’y a pas lieu à référé car les demandes ne sont pas suffisamment justifiées et ne sont donc pas recevables
en référé. Dans ce dernier cas, l’affaire serait renvoyée au fond.
Parallèlement, au moment de la réception des lettres de licenciement, une autre procédure, au fond, a été lancée en  annulation des licenciements et demande de réintégration dans l’entreprise. L’affaire est passée le 27 mai en conciliation,
étape obligatoire. En l’absence d’accord entre les parties, l’affaire a été renvoyée en bureau de jugement, qui se tiendra en décembre prochain. De la même manière, si il n’y a pas de majorité à cette audience de décembre, l’affaire pourra être renvoyée en départage. Dans cette affaire au fond, la section syndicale n’a demandé que la réintégration, ne souhaitant pas faire une demande subsidiaire en indemnités financières : cette demande subsidiaire pourrait amener à un jugement ambigu donnant raison aux salariées en leur accordant des indemnités de rupture, jugées abusives sans ordonner la réintégration qui suppose que les licenciements soit jugés nuls et non pas simplement dépourvus de motif réel et sérieux. Et si jamais les salariées étaient déboutées de leur demande de réintégration, il serait toujours possible d’aller en appel pour demander des indemnités. Enfin, lors du départage en référé du 29 juin, la demande initiale sera modifiée, pour demander la réintégration et l’annulation des licenciements, la première demande en suspension des mises à pied
n’étant plus d’actualité puisque ces dernières ont été effectuées. Et pour conclure, en attendant, la lutte sur le terrain
continue !


Fred SIPM RP,
avec l’aimable collaboration de Patrick Tymen, avocat de la section syndicale People and Baby

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